5 réactions à éviter en temps de crise : le cas Tchernobyl
Ou comment une organisation ultra-hiérarchisée montre ses limites dans une situation critique
Bonjour à toutes et à tous,
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Cette semaine je voulais parler de la gestion de crise dans une organisation en m’inspirant de l’exemple de la série Tchernobyl.
Au programme aujourd‘hui
La gestion du cas Tchernobyl:
1/ Introduction
2/ La panique
3/ Le déni
4/ La minimisation
5/ Le rejet de la faute sur les autres
6/ La volonté d’étouffer l’affaire
7/ Comment expliquer ces réactions ?
8/ Le talon d’Achille des organisations ultra-hiérarchisées
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Introduction
Il y a 37 ans presque jour pour jour avait lieu l’une des plus grandes catastrophes nucléaires de l’histoire, Tchernobyl.
Une mini-série de 5 épisodes produite par HBO et diffusée en 2019 retrace étape par étape ce qui s’est passé à la suite de l’explosion du réacteur 4.
Elle nous montre comment la situation a été gérée en interne que ce soit par les équipes de la centrale ou le gouvernement soviétique de l’époque.
Et à mon sens c’est un cas d’école de ce qu’il ne faut pas faire en temps de crise, car elle propose une représentation assez juste des dysfonctionnements d’une organisation en termes de réactions et de prises de décision.
Voyons cela ensemble (si vous n’avez pas vu la série, attention spoiler).
L’épisode 1 commence avec l’explosion du réacteur.
Les équipes de la centrale découvrent l’ampleur des dégâts, voici comment ils réagissent et gèrent la situation:
1) La panique
La plupart des employés de la centrale sont pris de panique et ne savent plus quoi faire.
Ils courent partout, remontent les infos à leurs supérieurs et tentent tant bien que mal de retrouver leur calme.
Difficile de les blâmer dans le cas de Tchernobyl, car ils font clairement ce qu’ils peuvent.
Ça c’est dans la série, mais que ce passe-t-il dans la vraie vie, dans des situations bien moins critiques?
Être pris de panique est une des réactions les plus courantes lorsqu’un problème survient et ce n’est jamais une bonne chose.
Les personnes se laissent submerger par leur peur et s’imaginent rapidement des scénarios catastrophes, ce qui leur fait perdre toute lucidité.
Elles n’arrivent plus à analyser la situation et se découragent très vite.
“Mon Dieu mais qu’est-ce qu’on va faire?” disent-elles.
Ce qui va aggraver la situation.
La panique n’aide donc pas dans les situations où il faut faire preuve de sang-froid et de clairvoyance.
2) Le déni
La deuxième réaction que l’on observe dans la série, c’est le déni.
Elle est très bien illustrée lorsque l'ingénieur en chef adjoint de la centrale, Anatoly Diatlov, refuse d’écouter le rapport de son équipe sur la catastrophe.
Quand on lui explique que le réacteur a explosé, il répond sèchement à son employé:
”tu racontes n’importe quoi, c’est impossible”.
Puis il enfonce le clou en lui disant “tu es sous le choc”, pour montrer que l’employé est en plein délire.
Plutôt que de prendre le problème très au sérieux, Diatlov pense qu’il s’agit simplement d’un incendie. Il demande alors que l’on appelle les pompiers.
Le problème avec cette réaction c’est qu’en refusant de voir la réalité, on prend des décisions dommageables.
Les matières radioactives en fusion ne peuvent être éteintes avec de l’eau et les pompiers seront gravement irradiés suite à leur intervention.
Dans la vraie vie et à moindre échelle, cette réaction est assez courante.
Face à une mauvaise nouvelle, certains managers refusent de voir la réalité et s’en prennent à leurs équipes et les accusant d’incompétents.
Pire encore, ils s’aveuglent dans leur vision tout en négligeant l’expertise de leurs équipes en refusant de les écouter.
3) La minimisation
Dans une variante du déni, il y a la minimisation des faits.
C’est une stratégie qui va être suivie par Anatoly Diatlov (encore lui).
Il reconnaît qu’il se passe quelque chose, mais reporte à son supérieur que la situation est “sous contrôle”.
Ce n’est d’ailleurs pas le seul à réagir ainsi.
Lors de la réunion avec les membres du parti, ce même supérieur, le directeur de la centrale Viktor Brioukhanov, annonce que “la situation est sous contrôle”.
Tous se sentent rassurés et la réunion finit sous les applaudissements pour se féliciter de leur bonne gestion de la crise:
Alors que dans le même temps les blessés graves s’accumulent à l’hôpital…
L’erreur ici n’est pas tant de minimiser les choses, mais de le faire sans avoir pris connaissance de la gravité de la situation.
Ou dit autrement, on peut minimiser les faits dans sa communication (pour ne pas affoler les supérieurs) tout en agissant en coulisses en prenant les choses au sérieux.
Dans la vraie vie, cela arrive assez régulièrement.
Plutôt que de jouer la prudence pour prendre le temps d’analyser les choses, on se précipite pour vite rassurer sa hiérarchie à tout prix.
Et comme la situation n’est pas considérée comme grave, on prend de mauvaises décisions.
Comme celle de ne pas évacuer tout de suite la ville de Prypiat.
Cette réaction s’explique en partie parce que l’on appelle le biais de normalité.
Notre nature humaine nous amène à nier ou minimiser des avertissements extérieurs signifiant que la situation n’est pas normale. Cela nous pousse à croire que les choses continueront de fonctionner comme elles ont toujours fonctionné, comme si de rien n’était.
Pour aller plus loin sur le sujet du biais de normalité, je vous recommande l’excellente vidéo de Stan Lelloup qui en parle en détail expliquant comment ce biais s’exprimé au début de la crise du covid et a poussé les gens à dévaliser les supermarchés.
4) Le rejet de la faute sur l’autre
Alors celle-là, c’est LA réaction la plus courante dans les moments critiques.
Dans la série, on le voit clairement lorsque le directeur de la centrale, Viktor Brioukhanov, explique qu’il ne peut pas être responsable, car “il dormait au moment de l’explosion”.
Il pointe ainsi du doigt les équipes en poste au moment de l’explosion.
De nombreux managers et big boss dans les grosses boîtes corporate réagissent ainsi.
Dès qu’il y a un problème, ce n’est JAMAIS de leur faute.
Cette réaction témoigne que ce qui importe ce n’est pas de prendre en compte la gravité de la situation, mais de s’assurer que l’on ne se fera pas taper sur les doigts (nous y reviendront un peu plus tard).
Ma chef de l’époque était experte en la matière.
Au moindre grain de sable, tout de suite elle accusait d’autres personnes.
Elle ne se préoccupait même pas de savoir quel était le problème ni comment il pouvait être réglé.
Il fallait se justifier d’entrée de jeu.
Et comme ce n’était pas de sa faute, ce n’était pas à elle de régler le problème.
Par effet de cascade, en multipliant cette attitude à une partie importante des membres d’une organisation, un problème qui aurait pu être réglé rapidement est laissé tel quel et la situation se dégrade.
5) La volonté de vouloir étouffer l’affaire
La dernière réaction que je voulais aborder, est celle de vouloir étouffer l’affaire.
Dans la série, la scène de la réunion avec les membres du parti en est un bel exemple.
Au lieu d’évacuer la ville par précaution, ils préfèrent prendre la décision d’empêcher les gens de partir et de faire croire que la situation est sous contrôle.
Ils espèrent ainsi étouffer l’affaire en se disant que ça passera crème.
En entreprise, cela peut se traduire par la volonté de mettre sous le tapis un problème en espérant qu’avec le temps, les choses se règleront d’elles-mêmes.
Cela peut marcher, mais c’est une stratégie très risquée.
Si la situation se dégrade, on pourra vous reprocher deux points graves :
N’avoir rien fait
Avoir caché le problème aussi longtemps que possible.
Comment expliquer toutes ces réactions ?
Maintenant que nous avons vu une diversité de réactions et leur dysfonctionnement, essayons de comprendre pourquoi les acteurs réagissent ainsi.
Pour ce faire, il faut aller regarder de plus près le coeur du réacteur, c’est à dire l’organisation dans laquelle ils évoluent.
Pour reprendre le cas de Tchernobyl, il faut bien avoir en tête qu’à l’époque, le parti communiste exerce un contrôle total sur tout avec une idéologie simple:
“Tout ce que fait le parti est parfait”.
Rien ne peut donc être contredit.
Cette vision a une influence importante sur le comportement de ses membres puisque si tout ce que fait le parti est parfait, alors il ne peut y avoir de problème.
Et s’il y a un problème, cela vient forcément d'une erreur humaine.
C’est pour cette raison que chacun rejette la faute sur l’autre.
Reconnaître sa culpabilité, c’est donner sa tête pour se la faire couper.
Les entreprises avec une forte culture de la hiérarchie présentent les mêmes symptômes que le parti communiste de l’époque.
Il faut toujours aller dans le sens de la direction et ne surtout pas dire ce qui ne va pas dans leurs décisions.
Cela biaise l’attitude des acteurs qui composent l’organisation.
Ceux-ci développent une obsession pour la hiérarchie et une crainte absolue d’être reconnu coupable d’un problème.
Lorsqu’une m*rde survient, la direction va chercher des coupables.
C’est ce que j’appelle la culture du “à qui la faute ?”.
Le talon d’Achille des organisations ultra-hiérarchisées
On pourrait se dire que chaque entreprise a sa propre culture.
Il n’y a pas de mal à ça.
Oui, mais….
Comment voulez-vous évoluer dans un marché concurrentiel et faire face à des crises (covid, inflation, …) si vos propres employés ne vous alerteront pas lorsqu’un problème survient ?
Vous perdez en lucidité dans les moments critiques alors qu’il faut garder son sang-froid et avoir les yeux en face des trous.
Un PDG qui ne veut pas entendre parler de mauvaises nouvelles est pour moi incompétent, car c’est son job d’agir dans ces moments-là.
L’autre aspect négatif de ce fonctionnement, c’est que ça désolidarise les gens les uns les autres.
En entreprise on n’a pas le choix, il faut jouer collectif sinon c’est mal barré.
La dynamique de groupe est un équilibre fragile qu’il faut préserver à tout prix.
“On gagne ensemble, on perd ensemble”, comme on dit.
Favoriser l’individualisme en cherchant à couper des têtes, c’est fragiliser le groupe.
En résumé
La série de Chernobyl nous montre 5 réactions courantes à éviter en temps de crise:
La panique qui fait perdre toute lucidité et aggrave la situation.
Le déni qui aveugle les dirigeants et les empêchent d’écouter les experts au sein de leurs équipes.
La minimisation de la situation liée au biais de normalité où les acteurs pensent que les choses vont continuer à fonctionner comme elles ont toujours fonctionné.
Le rejet de la faute sur l’autre, où chacun cherche à se défendre et montrer du doigt les erreurs des autres.
La volonté de vouloir étouffer l’affaire en espérant que la situation se règle d’elle-même.
Ces réactions sont en partie le résultat d’une culture d’entreprise très hiérarchisée qui ne tolère aucune mauvaise nouvelle.
Une organisation avec une forte culture de la hiérarchie perd sa capacité de lucidité dans les moments critiques où les équipes vont se désolidariser pour assurer leurs arrières, plutôt que de se démener pour trouver des solutions.
C’est tout pour aujourd’hui !
Je suis Jérémy Guillou, coach et formateur en intelligence émotionnelle et relationnelle. Je vous partage les conseils que j’aurais aimé avoir lorsque j’évoluais au sein d’entreprises internationales.
Je prends aussi régulièrement la parole sur LinkedIn sur des thèmes liés à la gestion de l’humain au travail.